L’accompagnement spirituel: est-ce absolument nécessaire?


accompagner spirituellement

 

Si tu veux vivre la Parole de Dieu, tu peux parfois être pris de vertige… Une interprétation erronée de la volonté de Dieu te décourage: « je ne peux pas connaître et encore moins faire ce que Dieu attend de moi », « la volonté de Dieu me paraît incompréhensible, ou trop exigeante, irréalisable »…
Il nous faut descendre au plus profond de nous-mêmes, pour aller au delà de notre personnage de surface, et devenir qui nous sommes ; et cela demande du courage. Pour connaître vraiment notre coeur, nos limites et nos ressources, nous avons besoin de la distance et de l’objectivité d’un regard extérieur.
Nous avons aussi besoin d’un accompagnateur pour sortir de nos vieilles manières de prier, de nous dévouer pour les autres…
Lorsqu’aussi nous entendons plus fort l’appel du Seigneur à vivre de sa grâce en plénitude et à laisser descendre sa Parole jusqu’au fond de notre coeur, l’accompagnateur nous aide à prendre les décisions cruciales.
En effet, Dieu a voulu que nous ayons besoin les uns des autres.
Qo 4,13 « Mieux vaut un enfant pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé qui ne sait plus prendre conseil ».
Bernard de Clairvaux, Epist. 88: Quiconque n’a d’autre maître que soi, est disciple d’un sot.

On préfère aujourd’hui parler d’accompagnement spirituel, le terme de « direction » ayant été jugé peu respectueux de la liberté personnelle. L’accompagnement spirituel vise cependant bien à donner une direction, au sens d’indiquer un chemin.
La paternité spirituelle est un degré encore plus loin: le père spirituel est là pour aider la vie à grandir dans toutes les dimensions, pour « engendrer » en quelque sorte; il a une similitude de vocation; il possède les dons auxquels j’aspire en profondeur. Nous sommes dans une convergence profonde.

1. But de l’accompagnement?
Dans l’accompagnement spirituel, nous cherchons, nous nous mettons en route. Mais que cherche celui qui accepte de se faire accompagner? En toute liberté, à:
– grandir dans la foi
aimer et être aimés dans le concret de nos vies.
– discerner tous les appels de Dieu pour le salut des âmes et notre bonheur, et comment y répondre
– être uni à Dieu, c’est-à-dire saint, plus vivant et plus heureux, et communiquer ceci aux autres par débordement de la grâce reçue.
Ep 4,13 « Atteindre dans sa plénitude la taille du Christ ».
Comme Jésus qui se donne dans toute sa Passion, moi aussi je dois chercher comment je peux me donner, là où je suis, pour devenir celle (celui) que Dieu veut que je sois.
Pour tout cela, il nous faut prendre de la hauteur, nous remettre dans l’axe de l’unique nécessaire. La rencontre de Jésus avec la Samaritaine (Jn 4,5-30) est un bon exemple d’accompagnement spirituel. Au départ, la Samaritaine est focalisée sur sa problématique (son incapacité à aimer vraiment), mais Jésus l’emmène sur son terrain à lui en faisant surgir des questions. Il oblige cette femme à se confronter à sa blessure pour qu’elle ne se mente plus à elle-même. Puis il lui révèle qui Il est pour qu’elle devienne à son tour évangélisatrice, source pour les autres.
La volonté de Dieu n’est pas reçue de l’extérieur, mais du plus profond de notre cœur lorsque nous nous mettons à l’écoute de Dieu.

2. Rôle de l’accompagnateur?
L’accompagnateur spirituel n’est pas une boîte à réponses mais celui qui pose les bonnes questions. Il n’est pas un législateur, mais celui qui oriente un faisceau de lumière là où il en faut le plus.
Il ne décide jamais à la place de l’autre. Personne n’a le droit de dire à la place de Dieu « Tu es appelé à ceci »!
Comme Moïse a choisi Hobab pour le guider dans le désert(Nb 10,29s), nous avons besoin de quelqu’un qui nous aide à passer les « chemins de ténèbres« , quelqu’un qui voit l’invisible. Le directeur spirituel ne remplace évidement pas Dieu. Il m’aide, au contraire, à être attentif au Maître intérieur, il est le témoin de l’oeuvre de Dieu dans mon cœur, il m’aide à être libre par rapport à mes propres conditionnements, et à reconnaître au fond de mon cœur ce à quoi Dieu m’appelle.
Il est un serviteur, simple outil de Dieu pour aider l’accompagné à grandir.
Son action concrète:
– écouter
– consoler
– encourager
– donner des indications concrètes
– avertir contre la tentation, voire inquiéter si l’accompagné persévère dans un péché ou une connivence
– conduire à la Vérité (en partant de questions visant à une maïeutique, sans jamais décider à la place de l’autre).
– manifester sentiments, pensées, exigences.
– se taire
– prier (intercéder), et se substituer

3. Comment choisir l’accompagnateur?
L’accompagnateur peut être homme, femme, prêtre, religieux(se) ou laïc formé… Il peut être bon qu’il soit du même état de vie que soi, mais l’expérience et la grâce suppléent.
Voici quelques critères donnés par sainte Thérèse d’Avila (qui en a elle-même « usé » un certain nombre):
– Il faut se sentir à l’aise, qu’il y ait une consonance;
– Choisir quelqu’un qui soit saint c’est-à-dire humble et plein de charité (c’est-à-dire « homme -ou femme- de Dieu » qui désire authentiquement la sainteté et en prenne les moyens -Parole, prière, sacrements…). Pas quelqu’un qui accapare ceux qu’il accompagne pour sa mission ou quelqu’un d’autoritariste, qui enferme. Seule la sainteté sait respecter les droits absolus de Dieu sur l’âme;
– Il convient également de choisir quelqu’un de prudent, c’est-à-dire qui saura concilier les exigences de Dieu et la faiblesse humaine.
Précisons encore: l’accompagnateur doit être:
respectueux de la liberté de l’accompagné;
– quelqu’un qui sache écouter, gratuitement; il est d’abord là pour aider l’accompagné à formuler lui-même ce qu’il vit et exprimer ses attentes pour en prendre conscience.
– absolument désintéressé (à ce titre, l’accompagnateur ne doit jamais être un de mes supérieurs, quel que soit le domaine)
– à la fois miséricordieux (doux, consolateur) et exigeant (ferme, vs laxiste).
décentré de lui-même et de sa propre expérience personnelle (qui par définition n’est transposable sur personne)
Parfois c’est l’Esprit-Saint lui-même qui se charge de nous désigner quelqu’un mais ce n’est pas le plus fréquent!
Il est à noter que l’accompagnateur et le confesseur ne sont pas obligatoirement la même personne.
Si après une certaine durée (au moins plusieurs mois), on n’est pas à l’aise, on peut changer d’accompagnateur, mais il convient de dialoguer. De toute façon, il est bon de faire le point, de part et d’autre, de temps en temps: est-ce qu’on continue? Est-ce que le suivi me convient toujours? Et à l’accompagnateur?
Si 37,12 « Adresse-toi toujours à un homme pieux, que tu connais pour observer les commandements, dont l’âme est comme la tienne, et qui, si tu échoues, sera compatissant. 13 Ensuite, tiens-toi au conseil de ton coeur, car nul ne peut t’être plus fidèle ».

4. Comment progresser dans l’accompagnement?
En général (sauf problème passager particulier) le rythme est d’une rencontre toutes les 4 à 6 semaines.
Il ne s’agit pas une relation quelconque où l’on se contente de discuter ou bavarder entre amis, mais fondamentalement d’une rencontre où je me mets sous le regard de Dieu avec l’aide d’une personne plus expérimentée.
L’écueil à éviter dans la direction spirituelle est de trop attendre du père spirituel. Il faut accepter que le temps fasse son œuvre.
Tout dire à l’accompagnateur ou au père spirituel, surtout ce que je n’ai spontanément pas envie de dire. Il ne s’agit pas (sauf si le père est confesseur) de recevoir le sacrement, mais avec Dieu de vaincre, les ténèbres par la lumière, la honte par l’humilité.
Ne rien cacher, y compris les manques de confiance à son égard, les reproches intérieurs que je peux lui faire…
Evoquer en particulier toutes mes représentations mentales et pensées:
Lc 6,45 « L’homme bon tire de bonnes choses du bon trésor de son coeur, et le méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor; car c’est de l’abondance du coeur que la bouche parle ».
– Le socle sur lequel construire à deux la relation d’accompagnement est la Parole de Dieu, en qui est l’autorité de la Foi. Dans un chemin spirituel, nous nous mettons à son écoute pour la faire fructifier la Parole dans toute notre existence. Beaucoup de saints se sont mis en route après avoir entendu une parole qui les a touchés. Or nous sommes tous appelés à la sainteté!
Dt 6,4 « Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est un ».
Il y a trois dangers:
* ne jamais boire à la Parole
* entendre beaucoup de paroles mais ne jamais les retenir
* les retenir mais ne pas en tenir compte concrètement dans notre vie.
Dt 4,9 « Garde bien ta vie, ne va pas oublier ces choses que tes yeux ont vues ».
Il nous faut apprendre à entendre Dieu, reconnaître combien il nous aime et ce qu’il attend de nous (avec sa pédagogie), se mettre à sa suite. L’accompagnateur est là pour m’aider à percevoir l’écho que la Parole suscite en moi.
– Après avoir ainsi éclairé ma conscience, écouter ce qu’elle me dit.
Obéir à sa conscience, dans la confiance en Dieu.
Le chemin qui nous est proposé est unique car, dans la grâce nous sommes uniques (seul le péché n’est pas original: c’est toujours la même chose…)
Mt 6,33-34 « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné de surcroit ».

5. Questions à se poser avec l’aide de l’accompagnateur, pour m’aider à discerner les appels de Dieu
Voir la fiche Appel de Dieu-Discerne

6. Questions pratiques
– Les enfants peuvent-ils être accompagnés?
Il est bien qu’ils le soient (avec une fréquence moindre que pour les adultes) si une question les « travaille » particulièrement (la vocation par exemple).
– Un couple peut-il être accompagné en tant que couple?
Oui, s’il en ressent le besoin mais, dans ce cas, il est important que l’accompagnateur ne soit pas le même que celui qui suit chaque membre du couple à titre personnel.

(quelques éléments de cette fiche viennent de serviteurs.org)

Quelques citations:
1S 3: Samuel est à l’école du prêtre Eli, pour écouter Dieu.
1R 1,11: David se fait aider par Natan pour discerner ses choix, se repentir, exercer ses responsabilités, et cela jusqu’à sa mort.
2R 2 Elisée est à l’école spirituelle du prophète Elie.
Mc 10,24: Jésus appelle ses apôtres « mes (petits) enfants! », comme Paul ensuite (Ga 4,19).
Pr 1,8 Écoute, mon fils, l’instruction de ton père.
Pr 12,15 Le chemin du fou est droit à ses propres yeux, mais le sage écoute le conseil.
Pr 13,10 Chez qui accepte les conseils se trouve la sagesse.
Pr 18,1 Qui vit à l’écart suit son bon plaisir, contre tout conseil il s’emporte.
Pr 18,19 LXX Un frère aidé par un autre frère est comme une citadelle puissante, il est fort comme un royaume aux fondements solides.
Pr 19,20 Entends le conseil, accepte la discipline pour être sage à la fin.
Pr 20,5 C’est une eau profonde que le conseil au coeur de l’homme, l’homme intelligent n’a qu’à puiser.
Si 6,23 Écoute, mon fils, accueille ma pensée, ne rejette pas mon conseil.
Si 6,36 Si tu vois un homme de sens, va vers lui dès le matin, et que tes pas usent le seuil de sa porte.
37 Médite sur les commandements du Seigneur, occupe-toi sans cesse de ses préceptes. C’est lui qui fortifiera ton coeur et la sagesse que tu désires te sera accordée.
Si 9,14 Autant que tu le peux fréquente ton prochain et prends conseil des sages.
Si 21,13 La science du sage est riche comme l’abîme et son conseil est comme une source vive.
Ep 3,15 Toute paternité tient son nom de Dieu
Ga 5,25 Puisque nous vivons par l’Esprit, marchons aussi selon l’Esprit.
1Jn 4,1 Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu.
Pr 4,1-7 Écoutez, mes fils, l’instruction d’un père, Et soyez attentifs, pour connaître la sagesse; 2 Car je vous donne de bons conseils: Ne rejetez pas mon enseignement.3 J’étais un fils pour mon père, Un fils tendre et unique auprès de ma mère. 4 Il m’instruisait alors, et il me disait: Que ton coeur retienne mes paroles; Observe mes préceptes, et tu vivras. 5 Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence; N’oublie pas les paroles de ma bouche, et ne t’en détourne pas. 6 Ne l’abandonne pas, et elle te gardera; Aime -la, et elle te protégera. 7 Voici le commencement de la sagesse: Acquiers la sagesse, Et avec tout ce que tu possèdes acquiers l’intelligence.
Si 2: un bon exemple d’accompagnement.

Joseph l’Ancien Lt 55: Je n’ai jamais vu d’âme orante progresser sans une franche confession des pensées secrètes. Veux-tu, mon enfant, écraser la tête du serpent? Révèle franchement tes pensées lors de la confession. La puissance du diable se trouve au sein des pensées perverses. Tu les contrôles? Il se cache. Tu les révèles en pleine lumière ? Il disparaît. Alors le Christ se réjouit, la Prière progresse et la lumière de la grâce guérit et apporte la paix à ton esprit et à ton coeur.
Lt 57: lien spirituel, communication invisible, échange d’affection, certitude intime (plerophoria), venue de Dieu qui nous informe.
Bernard de Clairvaux, Epis. 82,1: C’est le propre du sage de s’en rapporter plus au jugement des autres, dans les choses douteuses, qu’au sien..
Higoumène Nikon 1894-1963 Témoins de la Lum p.144: Plutôt compagnon de route que père: ne pas l’idéaliser, et se sentir libre de le quitter quand sur une bonne durée n’éprouve en conscience plus l’utilité des conseils.
Jean de la Croix L’âme qui veut avancer dans la perfection, doit bien considérer entre quelles mains elle se remet, car tel sera le maître, tel sera le disciple; tel sera le père, tel sera le fils ”. “ Non seulement le directeur doit être savant et prudent, mais encore expérimenté… Si le guide spirituel n’a pas l’expérience de la vie spirituelle, il est incapable d’y conduire les âmes que Dieu pourtant appelle, et il ne les comprendra même pas ” (llama strophe 3).

Abba Poémen dit: « Celui qui réjouit le plus l’ennemi, c’est celui qui ne veut pas montrer ses pensées à son Abba« .
Abba inconnu: Si des mauvaises pensées te font la guerre, ne les cache pas, mais dis-les tout de suite à ton Abba. Plus on cache ses pensées, plus elles deviennent nombreuses et fortes. C’est comme un serpent: sorti de son trou, il s’enfuit aussitôt. Ainsi la mauvaise pensée s’en va dès qu’on la montre.
Mais si on la cache, c’est comme un ver dans le bois, elle détruit le cœur. Celui qui montre ses pensées est aussitôt guéri ; celui qui les cache se rend malade d’orgueil
.
Abba inconnu: Voilà ce qu’on disait d’un vieillard: il demandait à Dieu l’interprétation d’une parole de la Bible. Pour l’obtenir, il passe soixante-dix semaines en ne mangeant qu’une fois la semaine. Mais Dieu ne la lui révèle pas. Il se dit en lui-même: « Je me suis donné tant de peine, sans rien obtenir ; je vais donc aller chez mon frère et l’interroger ».
Et comme il ferme la porte derrière lui pour aller chez son frère, un ange du Seigneur lui est envoyé. Il lui dit: « Les soixante-dix semaines que tu as jeûné ne t’ont pas approché de Dieu ; mais lorsque tu t’es humilié toi-même en partant chez ton frère, j’ai été envoyé pour t’annoncer le sens de cette parole« . Et il répond parfaitement à sa recherche sur la parole de la Bible. Puis il se retire.