Sens du signe de Croix


signe de croix

 

Les Apôtres Pierre et Paul, avant de commencer leurs prédications (Ac 12,17; 13,16…), font un « signe de la main », que l’on pourrait interpréter comme les premiers signes de croix (plutôt qu’un hypothétique geste de rhéteur païen, ce qu’ils n’étaient pas, cf. Ac 4,13; 2Co 11,6). Le signe de croix n’est pas une superstition mais l’expression corporelle d’un acte de Foi, du fait que nous sommes corps, psuche et Esprit (1Th 5,23). La pratique en est ensuite attestée dès les premiers siècles par de nombreux Pères de l’Eglise.
Voici 9 sens possibles de ce geste à effectuer avec attention et non comme un ventilateur…:

Confession des principaux mystères de la Foi chrétienne: la Trinité (en nommant les 3 personnes divines), l’Incarnation (la descente du Fils), et la Rédemption par la croix.
Les chrétiens orientaux accolent trois doigts (pouce, index et majeur) pour représenter la Trinité, et replient les deux autres (annulaire et auriculaire) dans la paume pour signifier la double nature du Christ. (Le Christ lui-même bénissant comme sur la mosaïque ci-contre tient ses doigts autrement en exprimant en plus la lettre grecque êta, deux verticaux et un horizontal, qui équivaut au chiffre 8, symbole de la perfection céleste et des béatitudes).
La version catholique romaine des 5 doigts ensemble peut signifier l’application des cinq plaies du Christ sur tout notre être.
Les byzantins se signent en prononçant les nombreux « Kyrie eleison », le « trisagion » (« Dieu Saint, Saint fort, Saint immortel »), les doxologies (« Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit ») et les « métanies » (« conversion » ou inclination devant une icône, souvent en silence).
Après le geste vertical, les chrétiens orientaux font le geste horizontal en commençant par le côté droit comme dans l’Eglise indivise, pour manifester qu’on reçoit la bénédiction en face du Christ grand-prêtre, en symétrie plutôt que de se l’accorder à soi-même. Il semble que ce soient les cathos qui aient changé la coutume et fassent les choses à l’envers en commençant du côté gauche. Recevoir la croix de la part de Jésus porte une belle signification: je reçois et accompagne Son geste, mais c’est Lui qui me tend Sa main pour écarter tout danger et la pose sur moi pour me créer, aimer, épouser, retirer des eaux, relever et sauver, conduire, bénir, donner tout, baptiser, oindre, absoudre, faire communier.
On accueille ainsi l’Amour du Christ crucifié et Sa victoire sur la mort.


Invocation du Nom du Seigneur: YHWH (le tétragramme divin יהוה révélé à Moïse, conjugaison hébreu du verbe « être »; cf. Ac 17,28a), présent aussi sur la croix par les initiales de l’écriteau (Jn 19,19 « Jésus le nazaréen et le roi des Juifs »): Yeshu’a Hanotsri Wmelekh Hayehudim.
Ce « Nom » (la manière juive courante de prononcer « YHWH ») est « une onction qui s’épanche » (Ct 1,3) sur nous, lorsque nous faisons le signe de croix avec Foi.
On emploie bien ici un singulier en invoquant les trois personnes car Dieu est Un (Dt 6,4): la lettre hébreu Yod (י) symbolise le Père à la tête de tout, le Waw (ו) vertical le Fils venu dans notre chair, les deux He (ה) le Souffle divin dans nos poumons. YHWH forme ainsi sur nous un cercle, représentant la circulation ou communion de l’Amour divin dans laquelle Dieu t’invite à demeurer.
En somme, le signe de croix au Nom du Seigneur est la bénédiction (= »dire le Bien ») par excellence sur soi, autrui ou autre chose.

Réponse concrète et élémentaire à l’invitation de Jésus « Qu’il prenne sa croix chaque jour! » (Lc 9,23), en exprimant ainsi notre désir de Le suivre et en nous marquant déjà du « signe du Fils de l’homme » en vue de sa venue dans la gloire (Mt 24,30).
Le prêtre et écrivain anglais converti Ronald Knox (+1957) remarquait que dans sa langue, le grand geste vertical forme un « I » qui signifie « moi », et le geste horizontal le barre: je renonce à moi-même (Mt 16,24) pour ne pas renoncer au Christ!
La mystique Gabrielle Bossis (+1950) évoque deux « barreaux »: je garde Jésus prisonnier de mon coeur!

Accomplissement du signe juif des phylactères/tefilin (ce qui nous « garde »): Dt 6,8 « Que les commandements que je te prescris soient inscrits dans ton cœur… Attache-les sur ta main et porte-les sur le front. »

Embrassement avec Dieu qui nous enveloppe, comme une salutation échangée quand on se rencontre et qu’on se quitte (au début et à la fin de la prière).

Actualisation du baptême lors duquel nous fûmes marqués pour l’éternité du même Nom divin.

– Signe de notre Espérance, en mémoire de la promesse du jugement dernier avec les brebis à droite et les boucs à gauche (Mt 25,33), évoqués par le geste sur nos 2 épaules.

Coopération avec Dieu (1Co 3,9) dans la connaissance (front), l’Amour (coeur) et le service (épaules).

Exorcisme, chassant non seulement les mouches mais aussi Beel-zebul, litt. le « seigneur des mouches »! Sacramental efficace dans les tentations (il est très désagréable au démon puisque par la Croix nous lui échappons) et les épreuves. Ainsi les Chrétiens persécutés au goulag comme le starets Arsène (+1975) le faisaient simplement en bougeant la tête suivant la forme de la croix. Faire le signe de croix évoque le geste de faire un noeud: par le Nom du Seigneur, je lie à la Croix les démons, mes passions mauvaises et l’esprit du monde (tendances égoïstes, tristesses et inquiétudes), et je décide de m’attacher plus que tout à l’Amour divin.

Forme catholique ancienne de la prière:
Per signum Crucis,
de inimicis nostris libera nos, Deus noster.
In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

Prière de la tradition monastique syrienne:
« Le soir, je fais le signe de la Croix sur mon corps, pour qu’elle veille sur moi jour et nuit;
Ainsi, la nuit, quand je dors et que vient le Malin, pour détruire mon âme,
Il voit la lumière de Ta croix et court se cacher dehors dans l’obscurité de la nuit,
Et le matin je me lève et je T’élève ma louange. »

Exercice pratique: « faire » le signe de croix en appliquant son attention successivement à ces neuf sens.