Sexualité
Aimer est une nécessité! Ce n’est ni un péché, ni suivre une attirance sans réflexion et sans unité avec notre nature humaine. Personne n’estime autant la sexualité et le corps que la Parole de Dieu et l’Eglise!
L’être humain selon l’expérience chrétienne (et la révélation biblique: cf. 1Th 5,23) est l’unité de trois composantes sans séparation ni confusion: corps (sôma), psychologie (psuchê: faculté d’être aimé et d’aimer, mémoire, intelligence et volonté) et Esprit (pneuma). En toute chose, nous ne pouvons trouver la paix et le bonheur que dans l’harmonie de l’action de ces trois parties de notre être.
La sexualité chrétienne est ainsi une expérience intégrale: corps, âme, esprit de la communion interpersonnelle. On la distingue donc de la génitalité qui peut être bonne (ou désordonnée) mais demeure partielle.
En ce sens, un célibataire n’exerçant pas de génitalité n’est donc ni asexué ni castré. L’être humain peut vivre de façon parfaitement équilibrée sans génitalité, mais pas sans amitié.
Dans le plan de Dieu, la sexualité est permise, licite, très bonne (Gn 1,31): ordonnée à sa volonté de salut et de bonheur pour tout homme, elle participe à la sainteté qu’il veut nous donner à tous!
La mission et la sainteté de la sexualité voulue par Dieu sont liées à la sainteté du corps et au mystère de l’Incarnation.
1Co 6,19 Le corps est le Temple de l’Esprit.
Jean Paul II: Le corps porte le mystère de Dieu… L’union des corps a toujours été le langage le plus fort que deux êtres puissent se dire l’un à l’autre.
Car le corps est bien plus qu’un objet ou une enveloppe, il a une dignité exceptionnelle, inouïe hors de la Révélation judéo-chrétienne et même une vocation et une mission! Le chrétien cherche à éviter à la fois la peur et l’absolutisation de la sexualité: l’une et l’autre dérives contredisent la nature humaine et la Foi chrétienne.
La « culture moderne » présente la sexualité d’abord en termes scientifico-érotiques (voire marchands) de « protections » et de « maladies » car elle la confond avec la relation sexuelle, comme si le passage à l’acte s’imposait toujours et tout de suite, et n’impliquait pas au préalable une vraie maturation de la personne, de la vie affective et de toute la relation humaine et une importante réflexion. Or la sexualité est une réalité impliquant la totalité de la personne, ce qui la rend si précieuse, mais aussi si fragile et susceptible d’entraîner de grandes souffrances si on en sous-estime la portée et la valeur: elle tend vers davantage que la seule jouissance toujours fugace, elle appelle à la construction d’un projet à deux (et pour les Chrétiens, à trois: en présence de la seule Source de l’Amour qui est Dieu).
Le corps et la sexualité sont tellement exposés et mercantilisés, et si peu compris pour ce qu’ils sont! Ce galvaudage généralisé handicape alors toutes les relations hommes-femmes, du simple regard jusqu’à l’exercice de la sexualité.
La grande maladie de la sexualité occidentale est le dualisme païen et/ou janséniste, héritier de la philosophie nominaliste et de l’idéalisme cartésien qui a séparé le corps et l’âme (ou esprit), et la schizophrénie (« déchirure ») qui en résulte entre les parties de la personne ou entre ses actes. Nous sommes passés, dans le domaine de la sexualité, d’un carcan janséniste à un autre esclavage, libertaire, tout aussi dualiste (séparant la chair de l’esprit): je m’imagine pouvoir faire n’importe quoi de mon corps (drogue, pratiques sexuelles etc…) sans que cela affecte le moins du monde ma psychologie et l’Esprit en moi… Or, le bonheur que Dieu veut pour nous, ne se situe pas dans ces deux extrêmes mais dans le don total réciproque et l’unité de la personne. C’est parce que l’esprit du monde dualiste et porté à l’orgueil de l’esprit méprise au fond la sexualité et le corps que souvent, il ne supporte pas d’entendre ce que la Parole et l’Eglise annoncent.
Une autre maladie est la grave naïveté de l’illusion romantique… On entend souvent « l’amour ne se commande pas… » Bien sûr que si! Il arrive qu’une personne fidèlement mariée ou consacrée tombe amoureuse, si elle a un minimum d’intelligence, d’amour véritable pour ceux qui sont attachés à elle, et de sens des responsabilités pour tous, elle ne va pas casser pour satisfaire une autre passion toutes ses promesses, sa famille, toute son existence ou le service pour lequel elle a déjà donné toute sa vie.
Jean-Paul II évoquait la sexualité conjugale ajustée comme la « liturgie propre des époux »; la mystique juive parle d’acte sacerdotal! Dans ce cadre, le lit est comme un autel conjugal.
La sexualité humaine se comprend d’abord dans le cadre de la ressemblance de l’homme avec Dieu, et non de sa ressemblance avec l’animal.
Notre sexualité doit être à l’image de Dieu et à l’image de la sainte Trinité avec:
– un corps à corps épanoui;
– le dialogue des intellects et psychologies;
– une communion « pneumatique » (= dans l’Esprit-Saint) entre époux et avec Dieu.
Sept caractéristiques de la sexualité:
1. Le corps exprime la personne. « Votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps » (1Th 5,23)
Le rôle du corps est important dans la relation avec l’autre en général. Dans une relation conjugale, on découvre en le corps de l’autre, témoin de sa personne, ce corps parle et permet d’entrer en communion. On a besoin du corps pour toute forme de relation et en particulier dans notre relation avec Dieu ! A l’époque du jansénisme on jetait la suspicion sur tout ce qui venait du corps et particulièrement sur la sexualité dans le mariage ; or dans le corps humain il n’y a rien de sale et cela est vrai au plus haut point puisque nous sommes à l’image et à la ressemblance de Dieu par notre corps aussi! En fait, nous ne comprenons pas le sens de ce corps ; par lui nous montrons notre désir d’aimer, de nous donner. Il est témoin de quelque chose d’invisible et de sacré et doit, pour cela, être respecté (à ce titre personne ne peut être considéré comme un « légume » ou considéré comme indigne de vivre en cas de handicap, car le corps est une partie intégrante de la personne). Les femmes qui sont mères ne sont pas seulement mères du corps de leur enfant mais bien de toute la personne de cet enfant (on peut penser à Marie, mère de Dieu parce que Mère de Jésus, mère de son corps et donc de toute sa personne)!
A travers ce corps il y a quelque chose de l’âme (au sens philosophique) et qui fait qu’un être humain est un être unique. (Il y a aussi une mémoire du corps qui nécessite justement d’éduquer les enfants dans la relation à leur corps afin qu’ils ne le méprisent pas). Un lien indissociable existe entre la personne et son corps et séparer l’âme du corps conduit à la mort (cf. JPII et « la culture de mort »). Le corps est le médiateur de la communion avec l’autre , et il est donné et reçu en fonction du bien total de la personne dans la relation conjugale. La communion des corps est le signe de l’amour et donc de la communion des âmes.
2. « Nus l’un devant l’autre et n’en ayant pas honte » (cf. Gn 2,25)
La honte traduit la peur de dévoiler quelque chose d’intime à nous-mêmes, et la peur que ce qui est dévoilé soit falsifié, considéré comme un objet. Mais c’est la lumière de Dieu, la connaissance de l’autre dans la communion avec Dieu, qui permet de voir son corps dans toute sa finalité : si on nie Dieu, le corps de l’autre est vite considéré comme objet, alors que sous le regard de Dieu ce corps est le témoin de tout le mystère de l’autre. Adam et Eve nus ne craignaient pas de se dévoiler l’un à l’autre parce qu’ils étaient en communion à Dieu. Dans cette lumière divine, l’intimité des époux est signe, dans la création, de l’Amour de Dieu: Je rends grâce à Dieu dans la communion des corps » (cf. JPII dans sa théologie du corps). En dehors du milieu des nudistes invétérés, la nudité n’est naturelle qu’en présence de Dieu par le sacrement du mariage…
Après le péché originel, l’Homme a peur du dévoilement de ce corps, et par cela nous comprenons toute l’importance du corps aux yeux de Dieu. La foi chrétienne en l’Incarnation implique la sainteté ou sacralité du corps: Dieu qui a pris chair et donne le sens profond du corps.
3. « Un signe dans la chair » (Gn 17,11)
Quand Dieu fait alliance avec l’Homme, cette alliance s’inscrit dans la chair et même dans les organes de la vie (la circoncision). Dieu marque ainsi le désir de vouloir toujours s’incarner. Le fait même d’être chrétien dit une manière et de s’unir et de voir l’Homme, une manière de voir l’union intime des époux. Ce signe gravé (Gn 17,13 : alliance perpétuelle) dans la chair nous montre l’insistance qu’a Dieu de graver son Amour dans la chair ! Le Christ sera l’image parfaite de cette alliance inscrite par Dieu dans la matière.
Le corps est le seul capable de rendre visible l’invisible, à savoir le spirituel et le divin. Il transfère dans la réalité visible ce qui, dans le mystère de Dieu, est de toute éternité. »
Voilà la vocation du corps ! Et ce mystère est l’Amour du Père pour les hommes qui passe obligatoirement par l’humanité de Jésus. On ne grandit pas spirituellement en ayant une image négative de son corps ; et l’amour des époux se voit dans les corps et le don des corps. L’Homme unit en lui-même l’esprit et la matière et c’est bien le seul dans toute la création. Mais dès qu’on sépare les deux c’est pour animaliser ou à l’inverse trop spiritualiser…
Notre corps est censé dire le spirituel de l’homme (intelligence et volonté). Dans la nouvelle alliance le signe marqué dans la chair c’est Jésus en nos coeurs, mais aussi l’union intime des époux chrétiens qui dit quelque chose de l’Amour de Jésus source de vie et de bonheur. Cette joie que les époux ressentent lorsqu’ils s’unissent est de Dieu même. C’est pourquoi il est bon de prier avant de s’unir (cf. prière de Tobie). L’union dans la chair est signe de l’Amour de Dieu, signe de l’Amour des époux et donc constitutif d’une donation totale de l’un à l’autre ; on ne doit jamais évacuer le langage des corps.
L’homme et la femme ont évidemment une vocation différente en tout cela. Le corps de l’époux et celui de l’épouse expriment des choses différentes dans la manière de transmettre l’Amour parce que le corps dit l’âme et l’âme de chacun dit quelque chose dans la manière de transmettre l’Amour : le corps de l’homme est appelé à habiter le corps de la femme (à la différence du monde mythologique) et la femme est capable d’accueil, d’adaptation et de souplesse.
4. Finalité de la sexualité: la communion. « Ils deviennent une seule chair. » (Gn 2,24)
L’union des corps est marquée par trois réalités:
– initiative du don (le plus souvent venant de l’homme);
– l’accueil de ce don (dans le corps de l’épouse);
– la fécondité qui fait rayonner ce don et qui est l’expression de cet amour
La sexualité doit être vécue dans cette finalité. Le plaisir est le témoin de la communion des cœurs et non le but inconditionnel et absolu de la sexualité.
La sexualité avant le mariage ou hors de lui ne correspond pas à ce sens de la communion des cœurs, par le « oui » qui l’enracine définitivement et engage toutes les dimensions de l’existence.
Nous sommes dans une « société schizophrène » où on divise les choses et où il n’y a plus que le plaisir. Or, ce que l’on fait avec son corps exprime la communion avec l’autre. Le « OUI » du mariage est ratifié, scellé dans chaque union intime ou dans le dialogue des corps et ces gestes de l’amour conjugal mettent en jeu toute la personne et celle qui s’exprime et celle qui est aimée. Il existe une dimension globale tant dans la communion avec Dieu que dans la communion avec la personne de l’autre.
Les gestes de tendresse sont à comprendre comme un langage, et non seulement comme des moyens pour parvenir à une fin connue d’avance, qui serait l’orgasme.
5. L’union des corps est expression de l’Amour, et donc aussi le lieu de la Miséricorde, avec soi-même d’abord, mais aussi face à un époux ou une épouse qui a plus de difficulté à se donner. Beauté et Miséricorde, rendues possibles par le dialogue.
Le langage des corps est aussi un langage de grande humilité (considérons l’humilité de Jésus-Christ qui a choisi un corps). On ne fait pas ce qu’on veut de son corps qui est aussi signe de blessures. Il faut parler entre époux pour rendre grâce ou pour se remettre en cause ; on grandit dans l’union intime parce que l’on grandit dans l’union. On ne grandit pas dans la communion avec l’autre sans le langage des corps qui fait partie du langage de l’Amour.
La sexualité est comme un entonnoir rassemblant tout ce qui s’est vécu dans les heures et jours qui précèdent; et comme un tremplin nourrissant l’amour des jours à venir.
6. Acte humain intégral
La sexualité n’est pas simplement un acte biologique ou le fruit d’une logique ; l’acte de la sexualité est surtout un acte humain car il entraîne l’implication de l’intelligence et de la volonté. En cela se trouve la différence radicale avec les animaux: à l’exception des cas de viols qui sont un crime et une singerie de sexualité, l’homme ne se « reproduit » pas mais « procrée« ! Ce n’est pas le fruit de l’instinct (pour les humains on parle d’ailleurs à la rigueur de pulsions); cela demande une vraie confiance et une connaissance du corps de l’autre et de son propre corps et cela demande donc une activité de l’intelligence.
Connaître, dans le langage biblique, désigne l’union intime des époux (cf. Osée; la Vierge Marie qui « ne connaît pas d’homme »). Pour ne pas réduire la sexualité à une simple fonction organique, l’homme ne doit jamais laisser aux pulsions la possibilité de le dominer (il n’y aurait alors que la confrontation de deux subjectivités sans rencontre, finalement une masturbation réciproque se servant du corps de l’autre comme simple outil): la sexualité dérive alors dans une confrontation entre deux puissances de domination égocentriques. Alors qu’il s’agit de faire entrer en compte la dimension spirituelle en nous (intelligence et volonté) en union avec le corps. La sexualité est partie intégrante de toute la vie matrimoniale: c’est une école pour apprendre à se décentrer de soi-même ; un lieu d’humilité. Ce que nous vivons avec nos corps, nous le vivons avec nos âmes, dans la relation de toutes nos personnes, et réciproquement, ce que vivent nos âmes s’exprime dans l’expression de nos corps. Et l’intégralité de cette relation (dans les trois dimensions de la personne, corps-âme-esprit, cf. 1Th 5,23) est partie de notre relation à Dieu. C’est bien par un corps eucharistique que le Christ nous rejoint à chaque messe.
La femme a plus tendance à spiritualiser ou à materner (la nature a horreur du vide.) Notre vie spirituelle s’exerce dans cette union des époux ; sinon chacun risque de vivre sa propre vie spirituelle séparément comme pour combler un manque.
7. Les quatre menaces sur l’Amour et donc la relation sexuelle
Le péché originel relevait de la révolte orgueilleuse et n’a rien à voir avec un péché « de chair », mais a eu des conséquences considérables… La sexualité est le fruit d’un combat spirituel; il est difficile d’avoir une attitude intégralement vraie et désintéressée dans la relation conjugale, à cause de notre conception déformée du corps et de notre tendance congénitale à l’égoïsme.
– Gn 3,10 « J’ai eu peur… » : c’est l’écroulement de la vocation du corps. Comme le lien avec Dieu est rompu, tous les autres liens sont rompus. En se donnant avec un corps humain au Père, le Christ réapprend à l’Homme à retrouver le chemin de l’Alliance. Souvent la peur de la femme résulte d’un manque de confiance vis-à-vis de l’homme : invitation à vérifier que la confiance entre les époux existe. Chez la femme c’est aussi une méfiance par rapport à la sexualité de l’homme et l’homme lui-même peut avoir une peur par rapport à sa propre sexualité qui peut le dépasser. Tous les deux sont appelés à un dépassement de soi-même.
– Gn 3,12 « La femme que TU m’as donnée… » Dès que quelque chose cloche, l’accusation victimiste et irresponsable envers Dieu et envers son conjoint, m’évitant de me remettre d’abord humblement en question…
– Gn 3,16 « Ta convoitise te poussera… » C’est le désir d’appropriation de l’autre : « le rapport de don se transforme en rapport d’appropriation » (Jean-Paul II), désir de « prendre pour soi », que ce soit pour l’homme dans un appétit de jouissance tournée vers lui-même ou pour la femme qui réclame que l’homme ne réponde qu’à son bonheur à elle. Or les relations humaines sont marquées par la joie mais aussi par le manque, et ne s’accomplissent que lorsque qu’on commence à préférer l’autre à soi-même.
– Gn 3,16 « …et lui dominera sur toi » : parce qu’il y a perte de la relation avec Dieu! Il y a domination et non plus don… Le lieu de la domination est du côté de l’homme par ses pulsions et sa force, mais aussi de celui de la femme et cette domination est le fruit du péché, de la concupiscence. La femme se fait dominatrice en se refusant ou en se laissant prendre sans se donner (elle doit être accueil et non passive), ou alors la femme peut encore dominer en cherchant à conduire son époux là où elle veut (« séductrice » dans un mauvais sens), ou encore par ses larmes, ses caprices… Lorsque la domination ne satisfait plus, l’indifférence apparaît, puis souvent la répudiation
Attention, pour ne pas s’interroger sur soi-même et sur sa façon de vivre ses pulsions, on cherche souvent des coupables extérieurs en projetant la cause de ses propres difficultés sur des réalités comme l’éducation, la foi…
Pour retrouver la beauté de la relation conjugale il faut retrouver l’émerveillement face à l’autre, retrouver ce qui nous a attiré chez l’autre ; il faut également rendre grâce à Dieu pour ce qu’il est et se mettre ensemble devant le Seigneur et se reconnaître pauvres face à Dieu en demandant sa grâce.
Voir aussi: Chasteté
(fiche retravaillée à partir de serviteurs.org)
Sexualité et psychologie (T.Anatrella), philosophie (X.Lacroix):
Ressources Ecriture et Tradition sur le corps: