Col 2,7 « Enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi »: Commentaire


 
 

Colossiens 2,7


Impossible de comprendre un texte sans contexte…

L’épître aux Colossiens fait traditionnellement partie des épîtres dites « de captivité » (pendant que Paul est prisonnier à Césarée ou à Rome, entre 58 et 64).

Destinataires: la jeune église de Colosses, 200 km à l’Est d’Ephèse, d’origine juive et païenne. La communauté était comme menacée ou contaminée par un relativisme et des rites et doctrines « gnostiques » syncrétistes et plus ou moins ésotériques.

Contenus principaux de l’épître:
– la centralité du Christ dans la vie du croyant. Le Christ est célébré comme tête de l’univers et des puissances, et comme tête de l’Eglise
– l’Eglise corps du Christ
– le rôle continu et  décisif du baptême dans la vie du croyant
– la vie nouvelle dans le Christ

Plan de l’épître:
1,1-20: comme de coutume, la lettre commence par une liturgie épistolaire:
          1-8: adresse, salutation, action de grâce pour le progrès de l’Évangile
          9-12: prière pour les croyants
          13-20: hymne qui chante le Christ comme tête de l’univers et donne le ton à toute l’épître
1,21-23: interpellation des destinataires
1,24-2,5: évocation du ministère apostolique qui a pour mission de réaliser ce que l’hymne a célébré: Paul doit porter la parole et les détresses du Christ à leur achèvement pour manifester la gloire de Dieu parmi les nations.
2,6-3,4: mise en garde qui a motivé l’envoi de la lettre: l’église est alertée devant le danger que font peser sur elle les doctrines et les observances préconisées par les docteurs « hérétiques » survenus à Colosses.
Au centre de cette partie polémique s’élève une nouvelle célébration de la victoire du Christ sur les "puissances" célestes, victoire à laquelle les croyants sont associés par leur baptême (2,6-15) et qui fonde la liberté chrétienne face à toute tentative d’asservissement (2,16-3,4).
L’exhortation prend alors un tour plus général (3,5-4,6).
3,5-17: appuis (de nouveau) sur le baptême: dépouillés du vieil homme, les croyants ont revêtu l’homme nouveau dont la vie se réalise dans la communauté chrétienne, par le comportement comme par le culte.
3,18-4: recommandations touchant les relations avec autrui: ce sont les tableaux traditionnels qui traitent de la vie familiale et sociale, intégrée « dans le Seigneur » et trouvant par là un sens nouveau.
4,2-4: appel à la vigilance et à la prière
4,5-6: indication sur les rapports avec les non­-chrétiens
4,7-17: longue liste de salutations et de messages personnels
4,18: salutation finale de l’apôtre.

Texte:
Col 2,6 Continuez donc à vivre dans le CHRIST JESUS, le Seigneur, tel que nous vous l’avons transmis.
7 Soyez enracinés et soyez édifiés SUR LUI, soyez affermis dans la foi telle qu’on vous l’a enseignée, soyez débordants d’action de grâce.
8 Prenez garde à ceux qui veulent faire de vous leur proie par leur philosophie trompeuse et vide fondée sur la tradition des hommes, sur les forces qui régissent le monde, et non pas sur le CHRIST.
9 Car EN LUI, dans son propre corps, habite la plénitude de la divinité.
10 EN LUI vous avez tout reçu en plénitude, car il domine toutes les puissances de l’univers.
11 C’est EN LUI que vous avez reçu la vraie circoncision, non pas celle que pratiquent les hommes, mais celle qui enlève les tendances égoïstes de la chair; telle est la circoncision qui vient du CHRIST.
12 Par le baptême, vous avez été mis au tombeau avec LUI, avec LUI vous avez été ressuscités, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le CHRIST d’entre les morts.
13 Vous étiez des morts, parce que vous aviez péché et que vous n’aviez pas reçu de circoncision. Mais Dieu vous a donné la vie avec le CHRIST: il nous a pardonné tous nos péchés. 14 Il a supprimé le billet de la dette qui nous accablait depuis que les commandements pesaient sur nous: il l’a annulé en le clouant à la croix du CHRIST.


4 points d’analyse:
Qu’ont en commun les 12 éléments en MAJUSCULES? QUI est au centre?
– Dans les versets 6-7, Paul s’adresse à son auditoire à l’impératif, « une invitation à… »
Quels sont les 5 impératifs? Prendre alors la décision personnelle de répondre à cette demande divine.
– Les termes « enracinés » et « affermis » (v.7) impliquent une attitude plutôt statique. Mais au verset 6 on perçoit une référence au passé, au présent et à l’avenir: il y a un mouvement dynamique.
Comment conjuguer cette double invitation à la fois statique et dynamique?
Du point de vue spirituel la rencontre du Christ nous fait balancer entre action et contemplation. Et cette dernière se nourrit d’un travail de mémoire: mémoire de la Parole de Dieu, d’un moment fort dans l’Eglise, d’une rencontre avec le Christ.
Chacun peut- il partager un de ces moments là? (Ce partage, certes personnel, peut nous aider mutuellement et nous faire grandir dans la foi.)
– « Soyez enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi »: De quelle voix verbale s’agit-il, du point de vue grammatical?
Que signifie ce « passif divin« ?
Dieu lui-même a l’initiative d’enraciner, fonder et affermir les croyants, et opère cela chez ceux qui s’abandonnent à lui et coopèrent.


Commentaire:

Pour comprendre un texte, il est absolument nécessaire de se transposer un moment dans la mentalité de son auteur (et de ses destinataires). Avant de reconnaître Jésus comme le Messie et de recevoir l’Evangile, Paul a lui-même été élève du maître juif Gamaliel (cf. Ac 22,3). Or le procédé de base de l’exégèse juive et chrétienne de l’époque est la gezerah shavah= « répétition de racine »;: pour comprendre ce que Dieu a voulu dire dans sa Parole, il faut chercher les autres emplois de même mot dans l’Ecriture et préciser ainsi ce que l’Auteur divin a voulu annoncer, car il est dit Ps 36,10 « Dans Ta lumière, nous verrons la lumière. »  (Vatican II -Dei Verbum 11-12 explique que l’Ecriture a 2 auteurs: Dieu et les auteurs humains de chaque passage).
Ce travail ne peut se faire que sur le texte biblique original, par exemple à l’aide du logiciel BibleWorks, et pas sur les traductions.
Col 2,7 en grec: Errizômenoi kai ep-oiko-domenoi en autô kai bebaioumenoi en autô
En hébreu d’après le syriaque: maSHeRySHym wBeNuym bo wQYMym bâMUNaH).
Voyons donc les autres emplois de nos 3 verbes:

– « enraciner »
Is 40,24 (les princes et juges de la terre) À peine ont-ils été plantés, à peine semés, à peine leur tige s’est-elle enracinée en terre, qu’il souffle sur eux, et ils se dessèchent, la tempête les emporte comme la bale.
Si 3,28 Au mal de l’orgueilleux il n’est pas de guérison, car la méchanceté est enracinée en lui.
        Le Christ semble donc nous inviter à déraciner de nos cœurs toute attitude de domination, jugement et méchanceté, pour pouvoir ensuite puiser en Lui toute l’Eau et la Nourriture spirituelles dont nous avons besoin pour vivre.
Racine se dit en latin radix, origine du mot « radical »: le Christ t’invite à le suivre radicalement et à aimer en Lui et comme Lui.
Par ailleurs la terre (dans laquelle plongent nos racines) a été dans la Tradition souvent associée à la Vierge Marie.

– « édifier/fonder »
Ep 2,20 La construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et prophètes, et pour pierre d’angle le Christ Jésus lui-même.
Jd 1,20 Vous, bien-aimés, vous édifiant vous-mêmes sur votre très-sainte foi, 21 priant par le Saint Esprit, conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle;
        Le Christ semble nous inviter à ne bâtir notre existence que dans l’Eglise et la « Foi Une » (Ep 4,5) de l’Eglise: 1,4 milliards de catholiques et orthodoxes n’ont pas chacun leur foi dans leur coin (ce serait alors une croyance psychologique ou  éventuellement sectaire, qui ne peut pas sauver qui que ce soit) mais selon la Parole divine reçue et transmise, communient à la Foi Une de l’Eglise.

       Le verbe grec signifie littéralement « construire la maison sur ». Cette expression se trouvait déjà en Ps 127,1 Si YHWH ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs.
Le Seigneur te propose de bâtir ta demeure en lui.

– « affermir »
Ps 119,28 Mon âme verse des larmes d’acédie; affermis-moi selon ta Parole. (Cf. Ps 41,12; Ph 1,7; Mc 16,20; 1Co 1,8)
Sg 7,23 La Sagesse est un esprit  (…)  affermi.
Rm 15,8  Jésus Christ a été serviteur (…)  pour l’affermissement/confirmation des promesses faites aux pères.
He 2,3 Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand Salut, qui, ayant commencé par être annoncé par le Seigneur, a été affermi/confirmé pour nous par ceux qui l’avaient entendu,
He 13,9 Ne soyez pas séduits par des doctrines diverses et étrangères, car il est bon que le coeur soit affermi par la grâce
He 3,14 Nous participons au Christ, si nous affermissons notre première confiance (upostasis!).
He 6,19 En l’Espérance, nous avons pour l’âme une ancre sûre et affermie, pénétrant au delà du voile (dans le Sanctuaire!).
He 9,17: L’Alliance/Testament du Christ (avec nous) est affermie/établie par sa mort (sur la croix).
2P 1,10 frères, redoublez d’efforts pour affermir votre vocation et votre élection; ce faisant, pas de danger de jamais tomber.
       En hébreu, le verbe qym employé est celui de la résurrection. La mission du Christ (par toute sa vie et sa Pâque), que poursuit l’Esprit de Force (cf. Is 11,2) est de t’affermir en tout chose pour que tout homme soit sauvé.

En somme, tu es invité à placer le Christ toujours au centre de ton existence (dans tes décisions), et à traverser toute cette vie d’abord par la force de la Foi.