Prière: dévotions?


 
 

Prière ou dévotion?


Une dévotion désigne aujourd’hui une pratique de prière particulière, personnelle ou communautaire. Mais cet usage exprime le sens originel du mot: l’Amour que l’on rend à Dieu.
On la distingue notamment de la prière liturgique (culte multi-millénaire de l’Eglise fondé sur la célébration des sacrements se prolongeant dans l’adoration) et de la prière continuelle (ou « prière du cœur »), car ces dévotions, hautement recommandées, ne sont pas suffisantes: elles sont au service des sacrements pour s’y préparer et en déployer les effets, et Jésus demande la prière « sans cesse » (Lc 18,1).

Exemples de dévotions parmi les plus éprouvées par les Saints eux-mêmes: angélus; chapelet; chapelet de la miséricorde; oraisons de Ste Brigitte; pèlerinages aux lieux sanctifiés par le Seigneur et ses Saints; chemin de croix; vénération de la crèche; neuvaines; litanies; gestes concrets comme le toucher ou embrassement d’images, statues et lieux saints, reliques ou objets sacrés; présentation d’offrandes, cierges et ex-voto; port d’habits particuliers; emploi d’eau, huile, encens ou autres objets exorcisés et bénis par un prêtre; processions, agenouillements et prosternations en dehors de la liturgie; port de croix, médailles ou insignes…

Objections: un usage irraisonné de la raison, typiquement « moderne » et occidental, a souvent fait mépriser de manière hautaine ces dévotions, et la piété populaire en général. Attention à l’orgueil et aux mythes rationalistes, c’est-à-dire en réalité irrationnels…! Pour paraître intelligent et s’en convaincre, on fait le sceptique… Le Christ avertit pourtant: Mt 11,25 « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux tout-petits. » Un christianisme sans dévotion serait une illusion idéologique guindée, à la fois:
          – déconnectée de la réalité anthropologique: inhumaine car sans coeur et excessivement détachée de la culture des hommes.
Nous sommes des hommes et non des anges, qui eux, n´ont pas besoin d´embrasser quoi que ce soit ni de regarder des images. L’être humain n’est pas qu’un cerveau mais (1Th 5,23:) corps, psychologie et Esprit. Le judaïsme et le christianisme depuis les origines ont recours à de telles médiations qui ne sont pas des idolâtries, puisqu’il ne s’agit jamais de fins mais de moyens féconds du fait de la réalité humaine naturelle. Une expression religieuse (au bon sens du terme) ne faisant pas intervenir tout l’être est simplement une déchirure de l’être, incapable de porter grand fruit. Ce n’est plus de la foi, mais de l’idéologie cérébrale.
          – contraire aux pratiques en usage selon la Parole de Dieu.
Dès la Genèse, on voit que la relation à Dieu est tout sauf un dialogue entre simples « intellectuels ». Jésus-Christ s’est incarné avec 5 sens, et les premiers Chrétiens en faisaient aussi usage dans leur relation à Lui (toucher de la femme hémorroïsse Mc 5,28) et dans leurs prières (par exemple l’emploi des reliques d’Elisée en 2R 13,21, ou de mouchoirs ayant touché Paul -Ac 19,11-; tout comme les non-croyants eux-mêmes vont sur la tombe des restes de leurs proches, les reliques sont le support concret d’une présence, qui aide le croyant se recueillir, se souvenir, entrer en communion par la pensée ou la prière).
          – contraire à l’expérience des saints.
Par exemple sainte Thérèse d’Avila portait toujours sur elle un flacon d´eau bénite, saint François d’Assise a institué le Tiers-ordre et lui a donné la corde comme symbole d’appartenance à la famille franciscaine, les frères carmes portent le scapulaire de la Vierge du Carmel. Il s´agit d’expressions, gestes, attitudes qui expriment une relation personnelle avec Dieu.
          – contraire aux fortes recommandations de l’Eglise, dont le Magistère n’a cessé de rappeler:
* la distinction entre religiosité populaire et superstition: la superstition s´arrête à l´objet et pense que l´objet matériel -patte de lapin…- a un pouvoir intrinsèque capable d’écraser les forces contraires, alors que les objets de la dévotion populaire font référence au mystère c´est-à-dire soutiennent la rencontre avec le Christ. Thérèse d’Avila portait de l´eau bénite (ainsi que salée) parce qu´elle rappelait ainsi le baptême, son appartenance au Christ et son refus du démon.
Attention dans ces dévotions, c’est la Foi (même chétive, car une once de Foi sincère touche le cœur de Dieu tout-puissant) qui agit, et non le simple objet ou le geste par lui-même; l’objet ou le geste sont le support de cet acte de Foi.
* le caractère précieux, la valeur, l´utilité comme voie de salut de cette forme de religiosité. Cf. le Directoire sur la piété populaire et la liturgie, 2001.

Une application pratique: pourquoi prier sous forme de neuvaine?
Une neuvaine est une prière faite neuf jours consécutifs, seul ou à plusieurs, en préparation à une grande fête ou pour demander à Dieu des grâces particulières.
La neuvaine a deux fondements bibliques:
– les 9 jours conduisant du premier jour de l’année (Rosh hashana) à la fête du Pardon (Kippur) en Lv 23,27, lors de laquelle Dieu efface toutes les fautes et sauve son peuple.
– les 9 jours conduisant de l’Ascension à la Pentecôte (Ac 1,3s), lorsque les Apôtres et Marie étaient réunis au Cénacle.
On en connaît les fruits inouïs: Dieu bénit cette prière et a donné la plus grande des grâces, le Don de l’Esprit Saint. La grâce dont jouissait déjà Marie dès l’Annonciation fut alors étendue à toute l’Eglise: la plénitude et la surabondance de l’Esprit. Toute neuvaine devrait donc être vécue ainsi, d’abord dans l’attente de la plus grande des grâces de Dieu: le don du Salut et de l’Esprit-Saint.
En s’étendant sur une bonne durée, elle permet l’ouverture de ton cœur à l’action infiniment bienfaisante de Dieu et aux grâces inimaginables qu’Il te propose sans cesse.
Vécue de manière authentique, elle permet l’approfondissement de ta vie spirituelle, c’est-à-dire ta croissance dans la Foi, la Charité et l’Espérance (autrement dit aussi la confiance, l’humilité…). Elle te stimule à devenir disciple du Christ docile à l’Esprit Saint, à l’image de Marie et des saints qui sont invoqués.
La neuvaine doit donc rejeter toute mentalité superstitieuse: en harmonie avec la prière de l’Eglise (la « liturgie »), elle est une préparation à la plus puissante des prières qu’est la Messe; elle n’est absolument pas une manière d’acheter à Dieu des grâces par la récitation de formules précises pendant une durée « magique » (ce serait tomber dans un rite idolâtre): les paroles et la durée de 9 jours n’ont qu’une valeur exemplaire, biblique et symbolique, mais ne peuvent aucunement avoir une efficacité intrinsèque. L’efficacité d’une prière vient uniquement de la Volonté d’Amour toute-puissante de Dieu, qui se déploie dans le cœur s’abandonnant à Dieu avec Foi.
La neuvaine a autant de valeur, ni moins ni plus que toute autre forme de prière faite avec ferveur et persévérance. Elle est une dévotion hautement recommandée par l’Eglise (DPP 189) et les Saints, mais pas suffisante: Jésus demande la prière du cœur « toujours et sans se décourager » (Lc 18,1), la confiance totale envers le Père (Mt 6,10), et la plus grande charité concrète (Jn 13,34), qui se nourrit de manière suréminente de cette prière.