Jeûne: pour accueillir Dieu
Jeûne chrétien
QU’EST-CE que jeûner:
Le jeûne n’est pas d’abord privation de ce que nous pourrions légitimement exiger, mais une multiplication: l’accueil de Dieu et la préférence pour Lui, qui est la Source de tout bien véritable et éternel.
Mt 4,4 (Dt 8,31) Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
1Jn 2,15 Si quelqu’un [préfère] le monde, l’amour de Dieu n’est pas en lui.
Le jeûne est une forme essentielle du don de soi, c’est-à-dire de la charité. Ce sont le démon, mes passions et l’esprit du monde qui en ont horreur et me le rendent difficile. Lorsqu’on donne de son corps à quelqu’un (jeûne d’intercession pour quelqu’un ou en offrande à Dieu), c’est le signe que l’on se donne vraiment à cette personne.
Le jeûne est un réalisme: ne pas ignorer notre faiblesse et la réalité du combat spirituel.
Le jeûne est un recours aux moyens concrets et historiques de sanctification.
Le jeûne ouvre à l’humilité et au repentir (don des larmes, conversion du coeur); il te fait expérimenter concrètement la pauvreté dans l’Esprit, il donne une disponibilité à la prière, il creuse en toi le Lieu où Dieu vient demeurer. Il est le signe et le moyen d’une attitude d’accueil dans tout ton être, du désir d’attendre vie et sécurité d’abord de Dieu.
Joël 2,12: Revenez vers moi par des jeûnes, des pleurs et des lamentations.
Le jeûne défie l’esprit du monde consistant à consommer le plus immédiatement possible tout ce dont l’envie nous passe par la tête et à enchaîner ainsi des calmants matériels pour tenter de remplir le vide qui nous habite profondément, en s’appuyant seulement ou d’abord sur les forces de la chair.
Le jeûne est aussi une manière de communier concrètement avec ce que 2 milliards d’êtres humains vivent par contrainte comme conséquence du péché dans le monde: le manque d’une saine alimentation suffisante.
Le jeûne constitue une prière d’intercession et de louange avec tout notre être (et pas seulement dans les idées…).
Le jeûne, ou l’ascèse en général, est un moyen nécessaire, mais non une vertu: on ne devient pas saint sans ascèse, mais ce n’est pas l’ascèse qui fait le saint.
Le jeune est une coopération (1Co 3,9) concrète au don de la grâce du salut.
Le jeûne suit le chemin de Jésus et l’exemple de Marie et des autres Saints.
Le jeûne est une fidélité à l’Ecriture et à l’Eglise.
Matière » du jeûne: ce qui produit un mal, mais aussi ce qui peut être bon et légitime.
– aliments, boissons sucrées, alcool, tabac…
– paroles (bavardages, mensonges, médisances, parole outil de profit, vanité, puissance, plainte…) et bruits vains (excès de musique)
Ep 4,29 De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent. Mt 15,18 Ce qui sort de la bouche, c’est cela qui rend l’homme impur.
Antoine du désert: « Celui qui dit tout ce qui lui vient à la bouche est comme une demeure qui n’a pas de porte: n’importe qui peut à son gré entrer dans l’étable et délier l’âne. »
– pensées de jugement, orgueil, jalousie, colère, curiosités vaines, tristesse, inquiétude…
Vénérable Virginie Bruni: « Par le mot jeûne, Notre-Seigneur entend recommander en première chose, la mortification intérieure. Notre plus grand ennemi est l’amour-propre, c’est lui qui doit jeûner. »
– images (internet, TV, video, spectacles, presse…)
Feuerbach avait cet adage: « L’homme est ce qu’il mange« ; aujourd’hui, on peut dire: « L’homme est ce qu’il regarde »
– temps, en consacrant ce dernier davantage à Dieu et aux autres ( vs paresse et distractions stériles)
– volonté propre, pour entrer dans l’obéissance salvifique à la suite du Christ (Rm 5,19)
Clément d’Alexandrie parle de « jeûne du monde », ie de tout ce qui relève de l’esprit du monde en tant qu’il s’abîme par le péché.
POURQUOI jeûner:
– Moïse (Ex 24,18), Elie (1R 19), le peuple d’Israël (Lv 16,29, Esd 8,21s, Jdt 4,9s…), David par deuil (2S 12), les Ninivites par repentance, Jean-Baptiste (Mt 3,4), la prophétesse Anne (Lc 2,37), le Christ au désert (Mt 4,2) puis sur la croix, les apôtres pour chasser les démons (Mt 17,21) et les disciples pour la mission (Ac 14,23) ont jeûné.
L’Ecriture nous invite à faire de même (Jn 13,16), les membres doivent suivre leur Tête (Col 1,18)!
– La nécessité du jeûne vient de la liaison intime et mystérieuse entre notre corps et notre âme -psychê et Esprit (1Th 5,23)-. En chacun, toutes les sensualités sont très imbriquées; si elles ne sont pas ordonnées à ton bien véritable et à la charité, céder à l’une d’entre elles conduit à l’asservissement de la volonté et l’aliénation de tout l’être. Ce serait refuser par orgueil et idéalisme désincarné la faiblesse de la nature humaine que de prétendre pouvoir se dispenser du jeûne.
-Tous les Saints ont pratiqué le jeûne et y invitent:
Thérèse de l’EJ CJ 16, « C’est seulement par la prière et le sacrifice qu’on peut être utile à l’Eglise… PN 36,3: Je veux combattre… ~ PBéatif 340: Je n’ai jamais rien refusé au bon Dieu. »
Augustin S 400 De utilitate ieiunii, 3,3, PL 40,708: « Le jeûne ne doit pas vous apparaître comme une chose de peu d’importance ou superflue. Que celui qui le pratique, selon la tradition de l’Eglise, ne pense pas en son for intérieur: Que te sert de jeûner? Tu frustres ta vie, tu te procures toi-même une peine… Mais réponds ainsi au tentateur: je m’impose certes une privation, mais pour qu’il me pardonne, pour être agréable à ses yeux, pour arriver à me réjouir de sa douceur… »
Père Cantalamessa Pauvreté p.6: « Comment cela nous coûte-t-il de jeûner au pain et à l’eau, alors que pour des millions de personnes, avoir le pain et l’eau assurés serait déjà comme un rêve? »
FRUITS du jeûne
– Force dans le combat spirituel: pour soi-même, pour les familles et pour les nations.
Avant même de recourir aux moyens humains dans nos épreuves et tentations, commençons par les armes spirituelles:
Ep 6,12 Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les puissances spirituelles de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes.
Athanase: « Le jeûne guérit les maladies, repousse les démons, expulse les mauvaises pensée. Il rend l’esprit plus clair et le coeur plus pur. Il sanctifie le corps et transporte l’homme sur le trône de Dieu. Le jeûne est une grande force. »
Marie à Medjugorje, 25 01 2001: « Petits enfants, celui qui prie n’a pas peur de l’avenir et celui qui jeûne n’a pas peur du mal. »
Le jeûne affaiblit satan, car il lui ôte beaucoup de ses prises sensibles sur nous: c’est un des outils les plus puissants de délivrance (cf. Mc 9,29 Vg, syriaque et Byz).
Isaac le Syrien: « Chacun sait une chose, c’est que toute lutte contre le péché et le mal commence par le travail du jeûne. Ce fut le premier précepte donné par Dieu à Adam (Gn 2,17).
Quiconque aime jeûner est ami de la chasteté.
Aussitôt que l’on commence à jeûner, l’esprit est poussé à la communion avec Dieu.
Quiconque méprise le jeûne sera faible, sans vigueur à toute bonne œuvre. »
Marie à Medjugorje, 25 04 1992 (guerre civile): « Chers enfants, c’est seulement par la prière et le jeûne que la guerre peut être arrêtée. »
– Accueil des grâces demandées dans la prière (exaucements):
St Pierre Chrysologue, PL 52, 320: « La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu’un et se donnent mutuellement la vie. »
– Liberté intérieure:
Toute « compensation » sensible: laisse un goût de cendre car elle ne répond pas aux aspirations humaines véritables.
Le jeûne réoriente notre désir et notre vie vers Dieu, dans un réalisme spirituel, par le lâcher prise et la désappropriation de soi.
Le jeûne est aussi ta coopération au fruit de l’Esprit qu’est la maîtrise de soi (egkrateia) Ga 5,20, condition de la vraie liberté des enfants de Dieu. La nourriture est le lieu de cristallisation des captivités du vieil homme (refus de dépendre de Dieu, manque d’abandon à Dieu et de foi en l’Amour, manque de détachement des choses, conditionnements, égoïsme, compulsions…)
– Croissance dans la Foi
– Charité:
Thérèse de l’EJ MSC 21v: « L’amour se nourrit de sacrifices. Plus une âme se refuse de satisfactions naturelles, plus sa tendresse devient forte et désintéressée. »
– Union à Dieu/Sanctification en actes:
Augustin: « La prière prend son envol par les 2 ailes du jeûne et du partage (la charité).
Bernard de Clairvaux: « Par le jeûne, la prière pénètre plus facilement le ciel. Par le jeûne et la prière, l’esprit de l’homme s’unit aux anges et s’attache à Dieu. »
Sr Emmanuelle: « Quand on fait une offrande à Dieu qui touche à notre corps, on commence à se donner vraiment. Le jeûne libère en nous de l’espace, que Dieu vient habiter comme jamais auparavant. Le jeûne procure alors aussi une sensibilité et une finesse spirituelles spéciales. »
COMMENT jeûner
– Commence par la sobriété.
Sg 8,7: La tempérance est une des 4 vertus cardinales.
1Th 5,6-8 Ne nous endormons pas comme font les autres (les fils des ténèbres), mais restons éveillés et sobres. Ceux qui dorment c’est la nuit, ceux qui s’enivrent c’est la nuit. Nous au contraire, nous qui sommes du jour (fils de la lumière) soyons sobres…
Comment goûter les choses célestes si tu te gaves des choses terrestres? La satiété ferme à l’autre.
Garde un espace physique et psychologique pour avoir faim de Dieu.
– Mange du pain ou de la bouillie: jeûne du goût pour trouver le vrai goût en Dieu.
– Père Slavko Medjugorje: « Bois ton pain et mange ton eau (ie mâche attentivement ton aliment de jeûne et déguste ton eau). »
– Avec joie: un « jeûne » non choisi et/ou sans le cœur n’est pas un jeûne, mais une simple privation.
L’intention fait la valeur du jeûne:
Os 6,6 + Mt 9,13 L’amour vaut mieux que tous les sacrifices.
Léon le Grand S 29,2 SC 49,45: « Il n’y a pas profit à soustraire les aliments au corps si le cœur ne se détourne pas de l’injustice. »
Martin Buber: « Jeûner est saint, mais manger [à d’autres moments] peut être la sainteté même si l’on mange avec gratitude en libérant les étincelles de la présence divine. »
Ne pas culpabiliser de ne pas avoir la force de jeûner, mais faire tout par amour selon ses propres possibilités.
– Dans l’obéissance et l’humilité: le moindre jugement envers autrui ou mouvement d’irritabilité ou d’orgueil montre que l’intention du cœur n’est pas droite.
Ps 50,19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé.
– Quand?
La Sainte Famille comme les juifs pieux (pas prescription) jeûnaient deux fois par semaine: cf Lc 18,12; Lc 2,37; Mc 2,28; Jdt 8,7
Chaque mercredi afin de désirer le Pain de vie du jeudi (institution de l’Eucharistie par le Christ),
et chaque vendredi afin de rendre grâce pour l’Eucharistie et de t’unir au Christ en sa Passion.
Didaché 8,1, écrit par les premiers disciples autour de l’an 90: « Vous ne devriez pas jeûner le même jour que les hypocrites, qui jeûnent le deuxième et le cinquième jour de la semaine ; vous devriez au contraire jeûner le quatrième jour et le jour de la préparation » (qui est le vendredi, la parascève, veille du shabbat juif, samedi).
Minimum vital: Code de droit canonique 1251: « L’abstinence de viande ou d’une autre nourriture […] sera observée chaque vendredi de l’année, à moins qu’il ne tombe l’un des jours marqués comme solennité; mais l’abstinence et le jeûne seront observés le mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».
CONTREFAÇONS du jeûne:
– jeûne hygiénique ou idéologique (végétariens)
– jeûne esthétique pour conserver la ligne et plaire
– jeûne pathologique (anorexie)
– jeûne stoïcien (prétendre s’autopurifier et se perfectionner par une ascèse= exercice individuelle)
Ne mets pas ta foi dans tes pratiques mais dans le Christ qui t’a aimé et s’est livré pour toi. Le jeûne est une coopération à Dieu (1Co 3,9) et à son salut, mais n’est pas le salut lui-même.
– jeûne dualiste séparatif (méprisant le corps, alors que nul ne l’estime autant que la Parole de Dieu et l’Eglise: il fait partie de l’être créé selon l’image de Dieu (Gn 1,26)
– jeûne pélagien (hérésie du Vè siècle, prétendant mériter des grâces d’abord par nos efforts).
Or le jeûne n’est pas d’abord une privation ou un rétrécissement (vs plaisir de vivre), mais un oui à Dieu, une manifestation concrète qu’on le préfère à tout et attend tout de Lui
– jeûne doloriste (qui est anti-chrétien; jusqu’au masochisme). Alors que « sacrifice » veut dire étymologiquement « rendre sacré » c’est à dire « rendre saint »..
Dieu ne veut pas que tu sois complètement avachi et tombes dans le coma, mais honnêtement, en général c’est plutôt « la grande bouffe » et l’oisiveté physique qui avachissent. Le monde compte 1 milliard d’obèses, dépensant des fortunes en régimes, cuisine light ou chirurgie, pendant qu’autant se demandent comment avaler quelque chose chaque jour. Dans certains milieux peu croyants, la gastronomie et l’œnologie sont devenus la principale préoccupation et « richesse » spirituelle…
Citations
Am 8,11Voici venir des jours – oracle de YHWH – où j’enverrai la faim dans le pays, non pas une faim de pain, non pas une soif d’eau, mais d’entendre la parole de YHWH.
Jn 4,34 Jésus leur dit: Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin.
Mt 5,6 Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés
Ps 34,9 Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux.
Pierre Chrysologue, Homélie sur la prière, le jeûne et l’aumône, 43: PL 52, 320: Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu’un et se donnent mutuellement la vie. En effet, le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise: les trois ne peuvent se séparer».
S8PL 52 /Mt 6,16: Un jeûne sans miséricorde est un fantôme de la faim, et non la manifestation de la sainteté… Le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne
Ignace d’Antioche: Mon désir terrestre a été crucifié, et il n’ y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de moi: Viens vers le Père!
Evagre, in Ps, 34,13: « Rien ne rend l’âme humble comme le jeûne », puisqu’il lui fait expérimenter de manière élémentaire sa totale dépendance à l’égard de Dieu.
St Guerric d’Igny: Après le jeûne (du carême), l’âme a faim de l’agneau pascal.
Abba Colobos: Si un ennemi voulait s’emparer de la ville, il en ferait le siège afin de l’affamer pour qu’elle se rende. Toi donc, vis dans le jeûne afin d’orienter tes désirs vers Dieu et de ne pas céder au moment de la tentation. Contrairement aux bêtes tombant dans le piège à appât à cause de leur ventre, ne fonçons pas sur ce que nous mangeons.
…: Le jeûne des paroles est comme le bouchon qu’un homme ferme sur sa cruche remplie de scorpions et de serpents et qui les fait ainsi mourir, alors que s’il ne les empêchait pas volontairement de sortir, ils iraient mordre ses frères, et le maître serait irrité contre lui.
Curé d’Ars, qui jeûnait sans cesse: Une communion bien faite vaut encore mieux que trois semaines au pain et à l’eau!
Marie à Lourdes, Fatima, Akita, Kibeho, Medjugorje: « Pénitence! pénitence! pénitence! »
Paul VI Pænitemini 1: [Le jeûne aide à] ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui l’a aimé et s’est donné pour lui, et… aussi à vivre pour ses frères.
Talmud: Celui qui mange sans rendre grâce vit comme s’il volait Dieu.
Jean Chrysostome, Sur les statues -Au peuple d’Antioche-, hom 3,3-4, PG 49,51b-53c, Bareille 2, 38B-339A et 40 (carême 387). Le jeûne véritable:
« Aiguise ta faux, que tu as émoussée par la voracité, aiguise-la par le jeûne. Engage-toi sur la route menant au ciel, engage-toi sur cette route resserrée et étroite, et marche. Mais comment pourras-tu t’y engager et marcher? En mortifiant ton corps et en (le) réduisant en servitude. Là où la route se resserre, l’embonpoint dû à la voracité constitue un sérieux handicap. Retiens les flots des désirs (épithumiai atopai) déplacés, repousse la tempête des mauvais désirs, mets le navire en sécurité, montre beaucoup d’habileté, sois un pilote expérimenté. Pour réaliser tout cela, le principe et le maître sera le jeûne. Je ne parle pas du jeûne comme la plupart (le comprennent), mais du jeûne authentique, comprenant l’abstinence des aliments, mais aussi des péchés. […]
Voyons ce qui peut calmer cette « colère » inflexible (de Dieu: Jl 2,10-11). Est-ce seulement le jeûne et le sac? Pas du tout, mais le changement de toute la vie. Ce sont des paroles prophétiques qui le montrent avec évidence. Après avoir parlé de la colère de Dieu et du jeûne, (le prophète Joël), parlant de la réconciliation et enseignant pourquoi elle a eu lieu, s’exprime ainsi:‘Dieu vit leurs œuvres.’ (3,10). Quelles oeuvres? Qu’ils aient jeûné ou revêtu le sac? Rien de cela, il n’en parle pas mais ajoute:`Chacun s’est détourné de ses mauvais chemins et le Seigneur a renoncé au mal qu’il avait parlé de leur faire.’ Tu le vois: le jeûne n’a pas supprimé le danger. mais le changement de vie a attiré sur les barbares la faveur et la bienveillance de Dieu.
Je ne parle pas ainsi pour que nous traitions le jeûne avec dédain, mais pour que nous lui fassions honneur. Honorer le jeûne, ce n’est pas s’abstenir de nourriture, mais s’éloigner des péchés.
Or se contenter de jeûner en s’abstenant des aliments, c’est précisément le traiter avec dédain. Tu jeûnes? Montre-le par tes actions. Quelles actions? me dis-tu.
Tu vois un pauvre? Aie pitié;
tu aperçois un ennemi? Réconcilie-toi;
tu vois un ami qui a bonne réputation? Ne l’envie pas;
tu vois une femme d’une grande beauté? Passe outre.
Que la bouche ne soit pas seule à jeûner, mais l’oeil, l’oreille, les pieds et les mains, tous les membres de notre corps. Que les mains jeûnent en se purifiant des rapines et du désir de posséder toujours davantage (pléonexia) Que les pieds jeûnent en renonçant aux courses vers les théâtres illicites; que les yeux jeûnent, apprenant à ne jamais s’attarder (sur les personnes) aux apparences séduisantes, à ne pas se poser sur des beautés étrangères. L’aliment des yeux, c’est la vue.
Si celle-ci est illicite et interdite elle souille le jeûne et compromet gravement le salut de l’âme; mais si elle est légitime et comme il convient, elle orne le jeûne. Il serait vraiment absurde de renoncer à cause du jeûne aux aliments et à la nourriture qui sont permis, et de fixer les yeux sur une (nourriture) défendue. Tu ne manges pas de viande? Ne mange pas de l’impureté en faisant usage de tes yeux.
Que l’oreille jeûne, mais le jeûne de l’oreille est de n’accueillir ni médisances ni calomnies.
Que notre bouche jeûne de paroles déshonorantes et d’injures. Quelle utilité à nous abstenir d’oiseaux et de poissons, si nous mordons et dévorons (nos) frères? Celui qui médit mange la chair de son frère, il mord la chair du prochain. »
Thérèse de l’EJ Procès 451 (MMarie de G.): A propos des pénitences extraordinaires, elle me dit: « Le bon Dieu m’a fait comprendre que les satisfactions naturelles peuvent très bien se mêler à la pénitence la plus austère, il faut s’en défier »