Dogme = arnaque ?
Un dogme est un élément particulier du contenu de la Foi.
Or la Parole de Dieu exprime très clairement que la foi d’un chrétien est celle de l’Eglise: Ep 4,4 Il n’y a qu’un Corps (une Eglise) et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une Espérance au terme de l’appel que vous avez reçu, 5 un seul Seigneur, une seule Foi, un seul baptême.
Pour être chrétien (disciple du Christ), Jésus nous indique le chemin: Mc 16,16 Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. Or:
– Rm 10,17 La foi naît de la prédication. – Donc pas d’une lecture individuelle ou d’une réflexion particulière à un groupe ou à un individu, mais une transmission, depuis les premiers Chrétiens…
– Rm 6,3 Nous avons été baptisés. – Le verbe est au passif: nul ne peut se baptiser lui-même et devenir chrétien de lui-même, il a besoin de l’Assemblée (=Eglise) que Dieu a appelée. Benoît XVI 12 2008: « Un christianisme autonome, autoproduit, est une contradiction en soi ». Car cette communauté se reçoit elle-même du Christ qui la fonde.
1. D’où vient le dogme?
Le dogme est présent dans la Parole de Dieu depuis le Christ:
Ac 16,4 Dans les villes où il passaient, Paul et Silas transmettaient, en recommandant de les observer, les dogmes portés par les apôtres et les anciens/prêtres de Jérusalem.
La révélation est close depuis la mort du dernier apôtre. Pourtant, la connaissance de Dieu, de Jésus et de sa sainte Mère n’a cessé de s’affiner au cours des siècles.
Un dogme n’est pas fait pour le plaisir de compliquer les mots des évangiles, mais pour s’assurer que la foi en Jésus sauveur ne se perde ou dénature pas.
Pour garder l’unité de l’Eglise voulue par Dieu (Jn 17,21), après la fin des persécutions en 313 (23 des 31 premiers papes étant morts martyrs), devant la forte expansion du peuple chrétien, les évêques, successeurs aux sièges des apôtres, se sont réunis en concile à Nicée en 325 pour exprimer la foi commune en des termes compréhensibles dans tout le monde connu (l’oekumene): c’est le « Symbole de Nicée », symbole signifiant rassemblement, ensemble des dogmes en réponse aux hérésies qui surgissaient (notamment à l’époque l’arianisme, niant comme aujourd’hui souvent la divinité du Christ; hairesis signifie choix, lorsqu’on choisit un passage de l’Ecriture au détriment du reste).
P. Radcliffe op (75s): L’hérésie consiste à enfermer Dieu dans une petite boîte. On prétend alors connaître la totalité de la vérité. Le dogme, à l’inverse cherche à ouvrir les portes pour laisser entrer la vérité. Le dogme nous pousse à entreprendre un voyage vers la vérité.
Un dogme répond toujours à une hérésie. Rares et sobres, les dogmes ne sont pas là pour définir un mystère mais pour le protéger. Proclamé par l’Eglise, même après de longs débats historiques (il y en a eu dès Ac 15… ) et tardivement, il est toujours un sceau de la « règle de foi » (foi admise par l’ensemble des croyants, notamment dans la prière liturgique) suivant la Révélation divine (l’Ecriture et la tradition unanime des Pères confirmés par le Magistère -ou enseignement du collège des évêques, cf. DV II)
Exemple concret: le dogme de l’Assomption, compris dès l’Antiquité d’après les Ecritures (Ap 12 et al) et proclamé officiellement seulement en 1950 n’est en rien une invention: l’Eglise possède des reliques de tous les apôtres et même le crâne de Jean-Baptiste, et certains se seraient bien débrouillés pour « inventer » un os de Marie si tout le monde n’avait pas cru dés le début en sa montée au ciel…
2. A quoi sert-il?
Un dogme est donc un garde-fou ou un repère qui rend libre le croyant, dans le véritable sens de la liberté qui n’est pas de suivre comme un mouton tous les conditionnements psychologiques ou sociologiques du moment, mais une recherche sincère (droiture de cœur et d’esprit), profonde (en ne suivant pas l’esprit du monde mais prenant les moyens de la formation) et engagée (par responsabilité envers les autres êtres humains) de la vérité.
Le dogme est un don du Christ et de l’Eglise à l’humanité, une lumière pour l’homme de foi, une vérité à rechercher et à vivre aussi personnellement.
Ni l’Esprit, ni l’Eglise ne forceront jamais personne à y adhérer, mais ils invitent l’intelligence de chacun à reconnaître la Vérité du Christ qui s’y exprime.
3. Comment le recevoir?
Le dogme n’est pas ce qui réclamerait une servile écoute et une aveugle obéissance (ce qui serait du dogmatisme), mais ce qui requiert un considérable effort de rationalité (qui n’est pas non plus rationalisme, tout aussi grossièrement erroné).
La Vérité qu’est la personne du Christ est lumineusement inscrite dans la Révélation, mais non en aphorismes dogmatiques et propositions abstraites, car tel n’est pas le mode d’enseignement de Dieu, comme on le constate aussi dans le judaïsme). Sa Révélation est formulée de manière concrète et symbolique, poétique, imagée, comme il convient à une confidence d’amour. Dieu ayant précédé sa Création, l’Amour et la Sagesse divine transcendent la rationalité humaine.
4. Est-ce légitime de le rejeter?
– Le refus du dogme n’est qu’un autre dogme, mais dans le refus de se soumettre à toute autre autorité que celle de son propre esprit, en prétendant avoir suffisamment d’intelligence pour pouvoir se passer sans problème de l’expérience des milliards d’êtres humains qui nous ont précédés, et suffisamment de sainteté personnelle pour accéder directement à Dieu en se passant des milliers de saints de l’histoire qui ont eux-mêmes reçu et promu ces dogmes, les premiers les ayant même reçu personnellement de l’Esprit du Christ soufflé sur eux (Jn 20,22)
Avant d’oser rejeter un dogme, le simple bons sens réclamerait donc:
– une connaissance vraiment approfondie de la Parole divine, de manière ecclésialement enracinée (l’herméneutique élémentaire indique que le corpus scripturaire a été confié à une communauté de croyants…). On peut se demander si la tendance de considérer que tous les anciens se sont trompés et que l’esprit humain progresse toujours vers un mieux ne viendrait pas d’une certaine dialectique rationaliste…
– l’humilité devant 4 000 ans de réception de la révélation…
– la Foi en l’Esprit insufflé par le Christ aux apôtres pour exprimer et transmettre la Foi jusqu’aujourd’hui.
Si le Christ n’avait absolument pas voulu l’Eglise à la fois charismatique et hiérarchique telle qu’elle est jusqu’aujourd’hui, il faudrait très probablement lui reprocher d’avoir ainsi disposé les choses dans ce sens au début (Mt 16;18; Jn 20-21…)
5. Herméneutique du dogme?
Le cardinal Newman (The development of christian doctrine), anglican devenu catholique en méditant l’histoire de l’Eglise, exprime que le dogme est une idée, qui naît, grandit, fait son chemin, se garde des déviations tout en se nourrissant d’autres idées, et gagne en précision au fur et à mesure de son progrès. La formulation dogmatique met en évidence des aspects jusqu’alors latents de l’idée. Or l’idée de révélation inclut la communication d’un enseignement adressé à l’intellect humain et donc saisit selon les lois de ce dernier, c’est-à-dire des lois rationnelles.
Le dogme est comme les bienheureuses rives d’un fleuve, qui, en l’enserrant, l’empêchent de devenir marécage aux eaux stagnantes et lui permettent d’avancer plus loin.
Vivant une croissance organique (Vincent de Lérins, 434, Commonitorium), le dépôt de la foi connaît une nouveauté d’expression mais pas de nouveauté de contenu (cum dicas nove, non dicas novum).
Thomas d’Aquin rappelle que la foi ne va pas aux formules énoncées (ad enuntiabilia), mais à la réalité qu’elles indiquent (ad rem).
6. Deux objections courantes au dogme
– Le Biblisme littéraliste nie que la révélation a été une tradition orale (pendant des siècles pour l’Ancien Testament, pendant des dizaines d’années pour le Nouveau Testament) avant qu’il y ait des Ecritures, tout en refusant même de reconnaître qu’il ne perçoit lui-même cette révélation biblique que dans une tradition particulière qui lui est propre (il s’agit pourtant ici d’herméneutique élémentaire).
Jn 20,30: Jésus a fait devant les disciples beaucoup d’autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Jn 16,13 L’Esprit-Saint vous guidera dans la Vérité toute entière.
1Co 11,2 Vous gardez les traditions comme je vous les ai transmises.
Paul lui-même cite une précieuse parole que disait Jésus et que pourtant aucun évangéliste n’a enregistrée: «On a plus de bonheur quand on donne que quand on reçoit» (Ac 20,35). La tradition non écrite, on ne le répétera jamais assez, précède la tradition écrite, l’alimente, et la détermine. A la base, aucun livre biblique ne définit la liste des livres qui sont bibliques, transmettant l’authentique révélation (le « canon des Ecritures ») la tradition le fait.
– Le relativisme ambiant refuse l’histoire en rejetant le dogme avec le dogmatisme (assurance excessive, prétention à enfermer la vérité, certitudes assénées sans se donner la peine d’entendre les questions de l’autre…). Or la foi qui est d’abord rencontre et relation de confiance avec Dieu révélé en la personne du Christ (fides qua) ne peut pas être séparée de son contenu(fides quae) (sous peine de schizophrénie ou d’incohérence de vie…)
7. Distinction entre les dogmes
Vatican II Unitatis redintegratio 11: « Il y a un ordre ou une hiérarchie des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne », qui est la divinité de Jésus Christ Fils de Dieu venu dans la chair. Certaines vérités sont premières, d’autres secondes, et il faut toujours remonter à la source; cependant, tout se tient: Mt 5,19 Celui donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le Royaume des Cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des Cieux.
Citations:
1Co 2,16Nous avons la pensée du Christ.
He 13,8 Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui; et dans l’éternité.
1Co 1,10 Je vous en prie, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus Christ, ayez tous même langage ; qu’il n’y ait point parmi vous de schismes ; soyez étroitement unis dans le même esprit et dans la même pensée.
Mt 16,19 Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié.
1Tm 3,14 L’Église du Dieu vivant – : colonne et support de la vérité.
Germain de Constantinople PG 98, coll. 384B-385A: Dans l’Eglise se trouvent les véritables perles précieuses que sont les dogmes divins de l’enseignement offert directement par le Seigneur à ses disciples.